Le Clan de La Main Noire
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 Quand Viendra le Changement...

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MessageSujet: Quand Viendra le Changement...   Quand Viendra le Changement... Icon_minitimeJeu 22 Avr - 22:17

Même si plus grand monde ne passe par là, je laisse tout de même un peu de pub pour moi :

1

En cette soirée d’hiver 1770, Pierre suivait depuis quelques minutes déjà un petit-bourgeois dans la rue de la Tranchée. Une petite bourse de cuir bien rebondie était visible sur la hanche droite du petit homme vêtu de pourpre et de bleu royal. Le bourgeois allait d’un pas rapide, sans doute, se dirigeait-il vers l’église Saint-Hilaire. S’il voulait cette bourse, Pierre devait agir vite. Il accéléra le pas et dépassa l’homme par la droite. À peine celui-ci devancé, il fit tomber de ses oripeaux le pommeau d’une dague ouvragée. Prestement, il se pencha pour le ramasser et le bourgeois le percuta. Il aida Pierre à se relever tout en l’invectivant sur sa distraction et son manque de vigilance. L’homme s’éloigna doucement, un peu plus léger maintenant que sa bourse était entre les mains du voleur. Pierre traversa le parc de Blossac tout juste terminé, longea les remparts du sud et s’enfonça dans une entrée dissimulée. Il déboucha sur le Chemin de la Cagouillère. Alors que la nuit était tombée depuis une bonne demi-heure ; il entra dans une cabane de bois, perdue au milieu de douzaine d’autres.
Il se dit en souriant que si quelqu’un manquait de vigilance ce n’était sûrement pas lui. La cabane était plongée dans le noir, pourtant son père devrait être rentré. Ses yeux vert émeraude fouillèrent l’obscurité à la recherche d’une bougie. Une respiration difficile se fit entendre au fond de la pièce.
— Père ? s’enquit-il, tu vas bien ?
— Approche mon fils.
Allumant la chandelle qu’il venait de trouver sur la table il s’approcha de l’endroit d’où provenait la voix. Nicolas était assis sur sa paillasse, adossé au mur du fond et son fils vit avec horreur une large plaie ouverte sur son abdomen. Paradoxalement, le saignement n’était pas abondant. Aucune trace de sang sur le sol ni sur la couche et la chemise de lin était à peine tachée. Mais le sang était visible. Il créait comme une membrane sur la lésion. On eu dit que le sang ne voulait pas quitter ce corps pourtant moribond.
L’enveloppe corporelle de Nicolas n’avait pas changé au fil des années. Aujourd’hui encore alors qu’il avait plus de quarante ans, le père n’avait en apparence pas plus de vingt ans. Il était pourvu d’une puissante musculature et d’un certain charisme.
Souvent, on avait pris le père et le fils pour des frères.
Les yeux bruns de Nicolas se rivèrent sur ceux de son fils.
— Lorsque je te regarde, je vois ta mère ; tu as ses yeux et ses longs cheveux noirs. Mon fils je vais te quitter, les gens d’armes m’ont eu il y a quelques minutes. Mais je dois faire quelque chose avant de partir. Je t’en prie ! Pardonne-moi pour cela, car vois-tu, elles ne veulent pas disparaître avec moi !
— De qui parles-tu, père ? Qui sont-elles ?
À ces mots, le père se jeta sur le fils. Celui-ci se débattit du mieux qu’il put, Pierre était sous l’emprise d’une peur panique. Il tenta de se soustraire à la poigne de son paternel, mais c’était peine perdue ; Nicolas semblait nanti d’une force surhumaine. Il plaqua son enfant au sol sans aucun mal. Il sortit un poignard et fit une rapide incision juste sur la jugulaire. Il s’assit à ses côtés, affligé de son geste odieux. Il prit son fiston dans ses bras vigoureux et le regarda se vider de son sang en pleurant, marmonnant des excuses tout en berçant le corps agité de spasmes de son fils bien aimé. Celui-ci le fixait de ses yeux verts pleins d’incompréhension. Le sang s’écoulait sur les jambes du père pour terminer sa course sur le sol en terre battue que celui-ci absorbait rapidement.
Doucement, la vie de Pierre le quittait. L’obscurité le gagnait, occultant la faible lueur de la bougie. Le froid fut vite remplacé par un état second ; son cerveau faisant son office en rendant le moment moins difficile. Les traits de son père disparurent peu à peu, les sons se firent de plus en plus lointains. Il pensa à sa douce mère, disparue quelques années auparavant. Et les ténèbres l’envahirent.

**
*

Les cloches de la cathédrale Saint-Pierre n’en finissaient pas de sonner dans sa tête. Tout engourdi, Pierre ouvrit péniblement les yeux. L’endroit était plongé dans l’obscurité, des picotements lui parcouraient le corps. Sa gorge lui faisait un mal de chien. Il était trempé, ses vêtements étaient poisseux.
Que s’est-il passé ? pensa-t-il. La terre semblait humide entre ses mains, une odeur bizarre lui taquinait les narines. Elle ne lui était pas inconnue, mais il ne la reconnaissait pas.
— Père ? Tu es là ? Père ?
Il essaya de se lever et Notre Dame la Grande vint se joindre au concert de la cathédrale, il se rassit prestement.
Que s’est-il passé ? Le retour à la maison était des plus flous. Les picotements n’étaient plus présents qu’en des endroits bien précis de son corps maintenant, sa gorge, son dos et quelque part au-dessus de sa hanche droite. Il tâtonna autour de lui et sa main toucha quelque chose de froid, par réflexe il la retira. Se morigénant, il alla de nouveau toucher l’objet. Ce n’était pas un objet. Il s’agissait d’une main ! Sans aucun doute possible, une main froide comme la mort. La panique commençait à le gagner. Que s’est-il passé ?
Les aboiements des chiens du père d’Anaïs crevèrent le silence nocturne et plus loin se faisaient entendre des éclats de voix.
Pierre remonta le long du bras mort, son cœur battant la chamade. Bien qu’au fond de lui, il savait qui était le cadavre à ses côtés, il lui fallait le confirmer.

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